Ce témoignage est réalisé dans le cadre de la 1ère édition d’EMERGING Mediterranean. Ce programme, issu des forums préparatoires du sommet des deux rives, est ouvert à toutes les startups à très fort impact des pays du 5+5, côté Rive sud : Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie. Il cible les startups de la Tech For Good, engagées sur les thèmes de la E-santé, de l’AgriTech, du Climat et de la Mobilité, de la Résilience territoriale et de l’Inclusion sociale et financière. La dimension Entrepreneuriat féminin est particulièrement valorisée et les candidatures féminines sont fortement encouragées.
- Vous avez été sélectionné parmi les 55 startups du programme SIBC, qui accélère des projets à impact social en Afrique. Pouvez-vous nous en dire plus sur ECODOME et sur les solutions que vous proposez ?
Youness Ouazri : Bien sûr ! ECODOME Maroc est une entreprise de construction écologique de maisons secondaires et d’infrastructures pour le tourisme rural, qui utilise des ressources locales pour ses travaux, réalisés grâce à la technique du super-adobe. Nous proposons des constructions résistantes, écologiques, durables, à moindre coût et à la forme circulaire caractéristique : les éco-dômes. L’entreprise a été créé juridiquement en août 2016, et cela fait donc plus de 4 ans que nous mettons en œuvre nos différents projets. Nous travaillons essentiellement auprès de structures touristiques qui souhaitent construire des gites et écolodges adaptés aux zones rurales, mais aussi auprès de particuliers qui souhaitent acquérir une maison secondaire écologique. Nous avons déjà réalisé une vingtaine de construction à travers tout le pays, grâce à l’action d’une quinzaine d’employés.
- Vous mentionnez la technique du super-adobe : quelle est-elle, et quelle valeur ajoutée donne-t-elle à votre entreprise face aux techniques de constructions modernes ?
Youness : Nous utilisons en effet les travaux de l’architecte irano-américain, Nader Khalili, qui a développé cette technique de construction dite “super-adobe”. Elle consiste à empiler des sacs en polypropylène -traditionnellement utilisés pour le stockage du blé- que l’on remplit d’un mélange de terres locales, stabilisées ou non. Cette technique permet de réduire significativement le temps de construction, entraînant une réduction du coût de la main d’œuvre. Exploiter des matériaux locaux permet également de simplifier notre logistique, en limitant le coût financier et le coût environnemental du transport des matières premières, qui peuvent être très élevés lorsque nous travaillons dans des zones rurales isolées. La construction d’un éco-dôme est donc plus rapide, moins chère et moins polluante que celle d’un bâtiment moderne conventionnel.
“ Éco-dôme est plus rapide, moins cher et moins polluant qu’un bâtiment moderne conventionnel. Exploiter des matériaux locaux permet de simplifier la logistique, de limiter le coût financier et le coût environnemental, tout en travaillant dans les zones rurales isolées”
- Et pourquoi construire spécifiquement des bâtiments en forme de dômes ?
Youness : Cette forme géométrique a plusieurs avantages techniques. Premièrement, la forme en dôme est autoportante : pas besoin d’éléments structurels de forme tels que des poteaux, des poutres ou des dalles pour stabiliser la structure car la forme géométrique est stable en elle-même. Construire en hauteur de manière circulaire permet également de réduire la consommation énergétique du bâtiment : on élimine en particulier les coins et angles droits qui sont des points de déperdition thermique, la température ne s’échappe ainsi donc pas. Le dôme est aussi une manière de se rapprocher du patrimoine africain ancien, en particulier de l’architecture arabe et andalouse, qui utilisaient très souvent des formes arrondies (coupoles, arcades, voutes nubiennes, ect…).
“Le dôme est une manière de se rapprocher du patrimoine africain ancien, en particulier de l’architecture arabe et andalouse. De plus, le dôme est autoportant : pas besoin de poteau et plus de déperdition thermique”
- Qu’est-ce qui vous a alors convaincu du potentiel touristique de l’éco-dôme ?
Youness : Nous sommes partis d’un constat simple : le Maroc dispose d’une grande variété de paysages naturels spectaculaires avec un fort potentiel touristique, mais qui ne disposent pas toujours d’infrastructures adaptées pour valoriser ce potentiel et pérenniser le flux de touriste. Les constructions modernes sont généralement inadaptées et mettent à mal la valorisation touristique de ces territoires. Par exemple, construire des bâtiments en béton dans les plaines ou montagnes marocaines où les variations de températures sont très aiguës est une erreur car les infrastructures ne pourront s’adapter aux variations climatiques, ce qui entraînera un fort surcoût en chauffage et isolation lors de la phase d’exploitation.
“Outre les avantages écologiques et économiques, nous mettons en valeur un patrimoine local et naturel : les acteurs du tourisme rural souhaitent disposer d’infrastructures en harmonie avec leur environnement, et qui soient plus proches de l’architecture traditionnelle marocaine. Deux objectifs que les éco-dômes remplissent pleinement.”
D’où l’intérêt d’exploiter des matériaux locaux comme nous le faisons pour construire des infrastructures adaptées aux conditions climatiques de la région sur laquelle nous opérons. Outre l’avantage écologique et économique, les acteurs du tourisme rural souhaitent aussi disposer d’infrastructures en harmonie avec l’environnement naturel et plus proche de l’architecture traditionnelle du Maroc, deux objectifs que les éco-dômes remplissent également.
- Le tourisme connaît avec le Covid-19 une crise sans précédent, qui pourrait pourtant pousser l’industrie à se réinventer : quelle est votre vision sur l’avenir du secteur ?
Notre projet s’inscrit parfaitement dans la nécessaire réforme qui doit être réalisée par le secteur touristique pour faire face aux conséquences de la crise du Covid-19. Le tourisme rural propose par définition des hébergements en adéquation avec les nouvelles mesures de distanciation sociale car il est fait pour accueillir des groupes de petites tailles dans des structures de faibles dimensions. Une famille peut par exemple louer un des écolodges que nous avons construit sans se mélanger à d’autres individus et profiter de la tranquillité du lieu. Ce tourisme alternatif permet également de mettre en valeur des régions rurales auparavant ignorées par le tourisme de masse, qui se concentre sur certaines zones spécifiques comme la région de Marrakech au Maroc.
- Quel est votre business model actuel ? Pouvez-vous nous donner quelques chiffres ?
Nous avons basé notre business model sur deux services distincts : celui des études techniques, qui correspond au travail d’un bureau d’étude technique généraliste, et celui de l’exécution, c’est-à-dire la construction de nos éco-dômes grâce à nos différentes équipes d’ouvriers formés à nos techniques de constructions traditionnelles et écologiques. Grâce à notre travail, nous avons réalisé un premier CA de 1,2M de dirhams marocains en 2017 (11 000€), 1,5M en 2018 (140 000€) et 2,5M en 2019 (23 000€) : une très belle croissance, dont nous sommes fiers !
- Quels sont vos projets pour le futur d’ECODOME ?
Pour le moment, nous travaillons uniquement sur les zones rurales mais nous souhaiterions nous développer en milieu urbain. Pour cela, nous menons un plaidoyer auprès des autorités afin de pouvoir réaliser nos éco-dômes en ville, ce qui nous ouvrirait de très intéressantes possibilités de développement. Nous allons également lancer une première levée de fond visant à récolter 1,5M de dirhams (150 000 euros) et nous espérons que notre venue au sommet EMERGING Valley en avril prochain nous aidera à convaincre de futurs investisseurs !
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Les startups de la Tech For Good méditerranéennes ont jusqu’au 20 novembre pour soumettre leur candidature via le lien suivant : https://emergingmediterranean.co/bootcamp-des-2-rives/
10 d’entre elles seront présélectionnées au travers du Bootcamp des 2 Rives, qui se tiendra entre Casablanca et Marseille les 27, 28 et 29 novembre. Cinq lauréats seront annoncés à l’occasion de la Conférence Digitale du 14 décembre 2020 en direct de Marseille.
Ces startups lauréates recevront un package alliant support financier, pédagogique, networking et visibilité et bénéficieront du programme d’accompagnement du Social & Inclusive Business Camp. Depuis sa création en 2017 par le Campus du Développement de l’Agence Française du Développement (AFD), le Social & Inclusive Business Camp a accompagné près de 150 entrepreneur.e.s à impact sociétal fort sur le continent africain dans leur passage à l’échelle, la mesure de leur performance sociale et leur préparation à la levée de fonds.