Par Samir Abdelkrim, fondateur d’EMERGING Mediterranean et d’EMERGING Valley, auteur de Startup Lions
Durant cet été 2021, la Kabylie, la Turquie, l’Italie, la Grèce ou encore l’Espagne ont connu des incendies ravageurs, entraînant la mort de plusieurs dizaines de personnes, l’évacuation de milliers d’autres et une destruction massive des écosystèmes locaux. En cause : le dérèglement climatique, l’exploitation des ressources naturelles et l’urbanisation à outrance.
Protéger le climat, la biodiversité et donc l’océan, qui en est le socle, est, aujourd’hui, devenu plus crucial et décisif que jamais pour l’avenir de notre planète. Les 17 Objectifs de Développement Durables, et leur 169 sous-parties, sont un mode d’emploi à suivre pour répondre à ce défi mondial. Et c’est justement parce qu’il est mondial, que seul le digital peut être la solution pour que ces objectifs soient embrassés par le plus grand nombre et le plus rapidement possible.
Pour devenir résiliente, la Rive Nord de la Méditerranée doit s’intéresser à ce qui se passe au Sud. Bien que la situation n’y soit pas parfaite et que l’écosystème Tech soit encore récent, les habitants, confrontés à la sécheresse, aux pluies diluviennes ou encore au manque de ressources, y ont multiplié d’idées innovantes pour trouver des solutions impactantes et vertueuses. Et nombre d’entre elles pourraient être duplicables à l’échelle.
L’innovation positive au Maghreb au service de la biodiversité et des smarts cities méditerranéennes
Au Maghreb, la mobilisation étatique a, doucement, débuté il y a plusieurs années. Comme le rapporte Orient XXI : dès 1975, la Libye a créé l’aire protégée d’El Kouf. Ailleurs, les premiers parcs nationaux apparaissent dans les années 1980. Par la même occasion, des animaux disparus, comme l’oryx gazelle, l’antilope addax et l’autruche sont réintroduites au Maroc et en Tunisie.
Autre exemple, le Maroc s’illustre sur le plan international dans les énergies renouvelables : le pays, disposant de ressources solaires très importantes, vient de déployer la plus grande centrale au monde ! Par ailleurs, bien qu’il y ait encore beaucoup à faire, nous pouvons souligner certains efforts de sensibilisation et d’éducation, un peu partout dans cette région de l’Afrique, à la durabilité environnementale.
Mais cela n’est clairement pas suffisant pour impacter en profondeur. C’est pourquoi, les maghrébins, à l’image de ce que l’on observe sur tout le continent, se sont saisis des problématiques environnementales pour les disrupter en s’appuyant sur la technologie.
Par exemple, sur les deux cycles d’appel à candidatures du programme d’accélération des startups EMERGING Mediterranean, plus d’un tiers (soit près d’une centaine) s’intéressent de très près aux problématiques de biodiversité. Agritech, climat, résilience territoriale, ou encore mobilité : chacun de ces thèmes a regroupé un ensemble de solutions plus novatrices les unes que les autres. Nombreuses étaient celles qui proposaient de réinventer les systèmes agricoles de manière écoresponsable, en favorisant l’agriculture intelligente, hydroponique ou les circuits courts et qui prônent plus globalement l’usage d’outils digitaux au service d’une agriculture plus raisonnée et vouée à optimiser les ressources naturelles. De très nombreuses autres startups ont également proposé des solutions, augmentées par le numérique, pour lutter contre la prolifération des déchets plastiques, comme notamment, en Mauritanie, où la startup DAADDO VDP s’est spécialisée dans le recyclage de déchets plastiques en matériaux de construction.
Qu’elles soient au Maghreb ou en Afrique, les startups agissant pour le respect de la biodiversité tout en contribuant à l’amélioration de la vie quotidienne sont nombreuses. Ainsi, Oshun valorise la gestion et l’approvisionnement en eau de nombreux territoires africains. PrevDev prédit et alerte contre, au Maroc, les risques d’inondations. Drone Tech accompagne les agriculteurs de nombreux pays africains, dans leurs difficultés contre les bouleversements climatiques tout comme Lentera Africa qui aide, avec des drones également les fermiers à mieux résister au changement climatique ou Pula qui a développé des produits d’assurance agricole et des produits numériques pour aider les petits exploitants agricoles à gérer les risques climatiques, à améliorer leurs pratiques et à accroître leurs revenus. Clean City œuvre pour une meilleure gestion des déchets et l’amélioration des espaces. BioFire transforme les déchets agro-forestiers en biocarburants écologiques et économiques. Et les exemples sont de plus en plus importants.
L’indispensable collaboration entre la Rive Sud et Nord de la Méditerranée : le territoire Aix-Marseille catalyseur d’une communauté de destins.
Parce que la biodiversité ne s’arrête pas aux frontières, l’Europe doit s’appuyer sur les compétences du Maghreb et de l’Afrique pour contribuer à résoudre certains de ses problèmes. Une collaboration active entre les différents pays méditerranéens est nécessaire, et même incontournable pour co-construire des solutions transverses.
De nombreuses initiatives sont d’ores et déjà menées pour favoriser ces échanges, notamment en Provence, qui de par son histoire, ses relations avec l’Afrique ou encore le fait qu’elle est la première région de France avec le plus d’espaces naturels terrestres et marins protégés, est clairement le laboratoire d’innovation et de la biodiversité 2.0 sur l’Axe Euro-Méditerranée Afrique.
La Région PACA, le Département des Bouches du Rhône et la Métropole Aix-Marseille sont ainsi très actifs sur ces sujets, et ce depuis longtemps; le concours My Med qui vise à financer des startups qui œuvrent pour la protection du littoral méditerrannées en est un exemple parmi tant d’autres.
Le territoire accueille, par ailleurs, le Congrès de la Nature, de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, à Marseille du 3 au 11 septembre 2021. Ce grand événement pourrait être le parfait prochain catalyseur de l’offre méditerranéenne. L’événement vise à mettre en lumière les actions existantes et à engager des propositions impactantes pour la conservation de la nature et le développement d’un nouveau cadre mondial pour la biodiversité.
Faciliter les relations et créer des ponts pour que les entrepreneurs, les investisseurs, les collectivités et les organisations publiques puissent échanger facilement sur leurs bonnes pratiques et partager leurs technologies est un défi à relever au cours des prochains mois. C’est notamment à ce grand enjeu que répondra la 5ème édition d’EMERGING Valley, en décembre prochain, en partenariat avec le Département des Bouches du Rhône. Ce sommet international réunit, les 13 et 14 décembre, en Provence, les investisseurs, les startups africaines et les écosystèmes numériques africains et émergents qui veulent renforcer leur attractivité à l’international, développer leurs relations business et accélérer leur impact à l’échelle globale. L’une de ses grandes thématiques est la biodiversité 2.0 et plus précisément les enjeux d’innovations durables et sociétales partagées entre l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique. Conçues en réponse directe aux interrogations et aux défis environnementaux, ces sujets questionnent la notion de territoire autant que celle de mouvement, pour repenser les solidarités et les relations entre les deux continents à l’heure où les catastrophes climatiques n’ont jamais été aussi importantes.
Lors de sa 4ème édition, en avril dernier, EMERGING Valley avait organisé un Lab d’Intelligence Collective où institutionnels, startups, investisseurs européens et africains ont prouvé qu’une collaboration intercontinentale entre recherche, secteur privé, secteur public et startups était possible. Celle-ci est d’autant plus indispensable qu’il n’existe pas une solution miracle mais que les choses pourront progresser seulement grâce à une coalition et des synergies entre tous les acteurs nationaux et internationaux et à leurs apports mutuels.
Dupliquer ce modèle au reste du monde
La Méditerranée est au carrefour des grands continents et par les échanges qu’elle a permis, est devenue le berceau des grandes civilisations. Cette position pourrait lui conférer un statut de laboratoire d’innovations sociales et écologiques pouvant être dupliquées dans le reste du monde.
Pour permettre cela, le grand défi reste de pouvoir mettre à l’échelle toutes ces technologies.